Le mécène turc incarcéré Osman Kavala a reçu le prix Vaclav-Havel de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, lundi 9 octobre à Strasbourg. Décerné chaque année, depuis dix ans, le prix récompense des « actions exceptionnelles » de personnes attachées à défendre les droits humains en Europe et au-delà. L’ex-homme d’affaires est une personnalité emblématique de la société civile. Bête noire du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, il fut arrêté en 2017 et accusé, contre toute vraisemblance, d’avoir financé le coup d’Etat de 2016 et même la révolte de Gezi, au cœur d’Istanbul, durant le printemps 2013.
Cette figure de l’intelligentsia stambouliote est la deuxième personnalité turque à recevoir la distinction. En 2017, le prix avait été attribué au juge Murat Arslan, ancien rapporteur de la Cour constitutionnelle turque, emprisonné pour « appartenance à une organisation terroriste » par un tribunal d’Ankara l’année précédente.
Comme son prédécesseur, Osman Kavala n’a pas pu se rendre dans la capitale alsacienne. Comme lui, il a pu toutefois rédiger une lettre de remerciement qui a été lue aux parlementaires de 47 pays présents dans l’hémicycle, dont la Turquie, membre du Conseil de l’Europe depuis 1950. C’est sa femme Ayse Bugra, sociologue et professeure d’économie politique à Istanbul, présente à Strasbourg, qui a porté sa voix.
Détenu depuis le 1er novembre 2017, le philanthrope, aujourd’hui âgé de 66 ans, a été condamné en 2022, après quatre ans et demi de détention provisoire, à la « perpétuité aggravée », à l’isolement et avec une période de sûreté de durée « perpétuelle ». Une peine qui avait été introduite dans l’arsenal juridique en remplacement de la peine de mort abolie en 2004.
Ce verdict couperet a été prononcé après moins d’une heure de délibéré. Sept autres prévenus, l’architecte Mücella Yapici, la documentariste Cigdem Mater, le militant des droits civique Ali Hakan Altinay, l’avocat Can Atalay, la réalisatrice Mine Özerden, l’universitaire Tayfun Kahraman et le fondateur de nombreuses ONG Yigit Ali Ekmekçi avaient été condamnés à dix-huit ans de prison chacun pour complicité du même chef d’accusation : avoir tenté de « renverser le gouvernement par la force » en ayant fomenté les manifestations du parc Gezi.
« Assassinat judiciaire »
Le mouvement fut le premier grand élan de protestation contre Recep Tayyip Erdogan, alors premier ministre. Pacifique et spontané, porté surtout par la jeunesse, il se solda par une violente répression, au prix de sept morts et plus de 8 000 blessés. A l’époque, Osman Kavala, connu pour consacrer sa fortune à ses activités caritatives et à la mise en valeur de l’héritage multiculturel en Turquie – kurde, arménien et syriaque –, tente de jouer les médiateurs entre les manifestants et les autorités. Mal lui en prend. Il devient la cible principale des autorités. Le numéro un turc ne fera d’ailleurs jamais mystère de sa volonté de punir le mécène.
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