A quoi a-t-on assisté sur la place du Trocadéro à Paris, dans la pénombre de la soirée du lundi 9 octobre, au milieu de la foule rassemblée en solidarité avec Israël après l’attaque terroriste du Hamas ? A une étape supplémentaire de la normalisation du Rassemblement national (RN), représenté par des députés en écharpe tricolore et accueillis avec enthousiasme par certains participants ? Ou à la démonstration, à l’inverse, du statut de paria du parti d’extrême droite, tenu à l’écart du cortège de tête et dont les deux têtes d’affiche reconnaissables ne se sont pas montrées ?
Jordan Bardella, resté à Bruxelles, et Marine Le Pen, par souci, dit-elle, de ne pas éclipser la manifestation par sa présence, n’ont pas participé au rassemblement parisien. Le RN était représenté par ses députés membres du groupe d’amitié France-Israël, moins identifiés. Selon les journalistes sur place, ils n’ont pas été directement l’objet de déclarations hostiles, certains comme Julien Odoul (Yonne), habitué de la chaîne CNews, accordant même quelques selfies. Aux yeux des élus RN, c’est une preuve que le stigmate de l’antisémitisme, considéré comme un verrou sur la route du pouvoir, s’estompe progressivement. Eric Zemmour, président de Reconquête !, s’est, lui aussi, invité à la marche alors que la plupart des manifestants s’étaient déjà dispersés, son équipe relayant aussitôt sur les réseaux sociaux les applaudissements de quelques admirateurs.
« La rue est ouverte à tous »
Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, comme la maire (PS) de Paris, Anne Hidalgo, ont, quant à eux, été chahutés, associés par certains manifestants à Jean-Luc Mélenchon. L’extrême droite observe ainsi avec délectation les accusations d’antisémitisme se porter sur le leader de La France insoumise (LFI) : le reproche n’est pas neuf, mais accentué après ses premières déclarations ambiguës sur l’attaque du Hamas.
Déjà au temps de la présidence de Jean-Marie Le Pen, le Front national avait tenté des rapprochements avec la communauté juive ou Israël. Sans le moindre succès. En 2018 encore, Marine Le Pen avait été huée lors d’une marche contre l’antisémitisme après le meurtre à Paris de l’octogénaire juive Mireille Knoll. Protégée par un imposant service d’ordre, elle avait dû sortir du cortège avant d’y retrouver une place. A l’époque, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), par la voix de son président Francis Kalifat, avait déclaré Mme Le Pen persona non grata, tout comme Jean-Luc Mélenchon.
Il vous reste 54.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.